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Je crois aus­si pou­voir indi­quer la rai­son pour laquelle notre langue [hébraïque] est appe­lée la « langue sainte » ; car il ne faut pas croire que ce soit là de notre part un vain mot ou une erreur, mais c’est une véri­té. C’est que, dans cette langue sacrée, il n’a été créé aucun mot pour [dési­gner] l’organe sexuel des hommes et des femmes, ni pour l’acte même qui amène la géné­ra­tion, ni pour le sperme, ni pour l’urine, ni pour les excré­ments. Pour toutes ces choses, il n’a point été créé de terme pri­mi­tif dans la langue hébraïque, mais on les désigne par des mots pris au figu­ré et par des allu­sions. On a vou­lu indi­quer par là qu’il ne faut point par­ler de ces choses, ni par consé­quent leur don­ner de noms, que ce sont, au contraire, des choses sur les­quelles il faut se taire, et que, lorsqu’il y a néces­si­té d’en par­ler, il faut s’en tirer par l’emploi d’autres expres­sions, de même que, lorsqu’il y a néces­si­té de les faire, on doit s’entourer du plus grand secret. Quant à l’organe de l’homme, on l’a appe­lé gid, « nerf », nom employé par simi­li­tude, comme on dit : « Ton cou est [raide] comme un nerf de fer » [Is. 48:14]. On l’a appe­lé aus­si chof­kha, « ins­tru­ment pour ver­ser [effu­so­rium] », à cause de son action. Pour l’organe de la femme, [on trouve] quéva(t)-ah, « son ventre » ou « son esto­mac », qué­va étant le nom de l’estomac. Quant à réhem [employé pour vul­va], c’est le nom de la par­tie des entrailles dans laquelle se forme le fœtus. Le nom des excré­ments est tso’a, mot déri­vé de yat­sa, « sor­tir » ; celui de l’urine est mémei raglaïm, « eaux des pieds », et celui du sperme, chi­kh­vat zéra‘, « couche de semence ». L’acte même qui amène la géné­ra­tion n’a aucun nom, et on se sert, pour le dési­gner, des verbes yi-chkav, « il couche », yi‑v‘al, « il épouse », yi-qah, « il prend » [une femme], ou ye-galé ‘erva, « il découvre la nudi­té » ; on n’emploie pas d’autre expres­sion.
[…] Dans la plus grande par­tie de ce cha­pitre, nous nous sommes écar­tés du but de ce trai­té, pour par­ler de choses morales et reli­gieuses ; mais, quoique ces choses n’entrent pas com­plè­te­ment dans le plan de cet ouvrage, nous y avons été ame­nés par une suite natu­relle du dis­cours.

Le Guide des éga­rés [מורה נבוכים ; دلالة الحائرين 1190]
t. 3
chap. 8
de l’a­rabe par Salomon Munk (1856–1866), nou­velle édi­tion revue et mis à jour sous la dir. de René Lévy, avec la coll. de Maroun Aouad
Verdier 2012
p. 853–854
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