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Il existe depuis des siècles un thème dont la bana­li­té porte jusqu’au dégoût, c’est le thème que tout le monde fina­le­ment est un peu phi­lo­sophe.

Thème que le dis­cours phi­lo­so­phique écarte aus­si­tôt pour faire appa­raître celui-ci, à savoir que la phi­lo­so­phie est une tâche spé­ci­fique, en retrait et à dis­tance de toutes les autres et qui ne peut se réduire à aucune autre. Mais thème que le dis­cours phi­lo­so­phique reprend non moins régu­liè­re­ment pour affir­mer que la phi­lo­so­phie n’est rien d’autre que le mou­ve­ment de la véri­té elle-même, qu’elle est la conscience pre­nant conscience de soi – ou qu’il est déjà phi­lo­sophe celui qui s’éveille au monde. […]

Le vieux thème mil­lé­naire du « tout le monde est plus ou moins phi­lo­sophe » a une fonc­tion pré­cise et assi­gnable dans l’histoire occi­den­tale : il ne s’agit ni plus ni moins que du bou­clage du désir de connaître dans la connais­sance elle-même.

[Ce que Foucault refor­mule au début du cours sui­vant :] De sorte que la connais­sance était préa­lable à ce désir qui la concer­nait ; et que ce désir lui-même n’était rien d’autre qu’une sorte de retard de la connais­sance par rap­port à soi, désir cor­ré­la­tif au délai qui la retar­dait pour atteindre d’un coup sa vraie nature, à savoir la contem­pla­tion.

Leçons sur la volon­té de savoir (1970–1971)
Seuil 2011
p. 18–19, 23