FAUX BARRAGE 16 : docu­men­taire

À par­tir d’un moment qu’on peut nom­mer X
par un sou­ci d’hommage à la pré­pon­dé­rance des sciences

quel que soit le domaine réfé­ré à comp­té du moment X
le docu­men­taire gagne qui n’est pas la docu­men­ta­tion

le docu­men­taire gagne défilent des séries de têtes
d’anciens com­bat­tants tous assis d’anciens appe­lés

rap­pe­lés figures his­to­riques et fel­lags
pré­sen­tés en mouches d’un tract dis­tri­bué mon­trant
un fell-mouche, fell-sau­te­relle

X arrive et tout sou­dain l’archive
accable comble des groupes entiers de mer­ci mon adju­dant
0,5 % au regard de la guerre – je veux dire la guerre de 40 –
de sol­dats alle­mands déser­tant pour rejoindre le maquis fran­çais tu aurais dû rejoindre le FLN.

séries de têtes assez pré­ci­sé­ment cadrées du téton à la cano­pée sur­mon­tée de quelques cen­ti­mètres de mur

tapis­sé tran­quille tapis­se­rie en 65 × 50 cm de maquis
Aurès nom non indi­qué de cailloux accu­mu­lés puis

tête par­lante com­men­tant son maquis
cadrée téton cadrée mon­tagne

est-ce que l’archive ain­si repousse, pousse
lit­té­raire ou déra­tée là où le docu tv tris­te­ment

pré­sente d’un fell la mouche-méta­phore
puis le pay­sage caillas­sé puis la tête

plus tête mais plan
que ces par­lants sont allés là-bas dans
les Aurès rap­port à la jux­ta­po­si­tion du

c’est la vie de châ­teau et des ran­gées de
fau­teuils rouges et rem­bour­rés der­rière le déser­teur

raté, qu’ils firent ce qu’on leur dit et dirent
que les mon­tagnes d’Afrique du Nord étaient fris­quettes

de même que j’aurais sou­hai­té ne pas ne pas
virer trop ceci trop cela, ne pas pas­ser mon temps

me net­toyant les pattes, le des­sus des yeux, ou

net­toyant la crosse et que je te remonte tout dans l’ordre en moins d’une minute.

 

N’importe où, n’importe quand, n’importe com­ment – liber­té, éga­li­té, fra­ter­ni­té. Avec cepen­dant de menues cor­rec­tions et répa­ra­tions dans le cadre sco­laire, des rétro­gra­da­tions de carabes ravis par la beau­té des pyra­mides.

Des pyra­mides construites à coups de fouet ; on peut donc vous apprendre le moderne à coups de schlague men­tale. « Qui le pre­mier cou­pa les couilles et les mit encore chaudes à la bouche ? » est du même ordre que l’œuf et la poule ; pas­sons.

Passons, pas­sons, pas­sons, pas­sons, pas­sons. Côte à côte et se tenant la main, des bouches de cha­cun pen­douillent une couille, un gland. Excisions de gorge, expul­sions de membres, et des­crip­tions affé­rentes pour l’enseignement de tous.

Il n’y a, chez tous et pris un par un, aucune demande de connais­sance de l’autre (1). Pas de demande de connais­sance de soi (2). Elles arrivent en sus, et sans qu’on les ait tou­jours vou­lues (ou pas comme ça).

Pas comme ça ! sans cesse sert à repous­ser le moment de l’éclaircissement. Toutes les vio­lences, sauf celle-ci. Il est alors néces­saire d’autoritairement for­mu­ler : Connais-toi toi-même – comme on met dans sa merde le nez du chien.

Le nez d’un chien tou­jours très déli­cat. Et de sa patte il se couvre les yeux pour mieux dor­mir. Il épouse du ventre la cha­leur de la vitre. Il souffre déjà tel­le­ment pour se tenir propre. La plus grande pro­messe est celle d’un toit, et d’une écuelle.

Si tu pro­mets d’être à l’autre atten­tif, on te rem­pli­ra ton écuelle – on pour­rait s’arranger ain­si. Dans le don­nant don­nant. Ce qui devient : Je vais le guet­ter, l’autre. Cette fois, je ne le rate­rai pas.

Je n’en rate pas une. Je ne m’explique rien mais je détaille. Par exemple : esclave sexuel serait un pléo­nasme. Un pen­du bande. Un pen­du bande, c’est pour­quoi il y eut en Amérique autant de lyn­chages.

Au pied des lyn­chés, il y a des hommes hilares. Et les femmes se tiennent les côtes. Ces mar­rants furent autre­fois pen­dus par grappes en France. RPR : Religion Prétendue Réformée. Reprenons ce Propos Rhizomatiquement.

De siècles en pays, des archi­tec­tures se reprennent. Se reprennent sans se reprendre. Entassements consti­tu­tifs des cales des bateaux. Étagements et bancs ser­rés des temples pro­tes­tants. Parkings. Ils en contiennent le plus.

Ils en contiennent le plus est source de comique. Résume une civi­li­sa­tion. Le petit être méca­nique avec son cha­peau vu d’en haut. Les queues à la can­tine. Les Figuren. Les mains cou­pées prises dans des stères de bois sont le signe qu’ici il y avait quelqu’un.

Qu’ici il y avait quelqu’un se conçoit mal. La concep­tion dif­fi­cile est le propre de celui dont on dit qu’il pense. Peine-à-pen­ser pro­duit archives en quan­ti­té, preuves, traces et enre­gis­tre­ments d’éléphants – peine per­due : au bout du compte, il ne voit tou­jours rien.

Rien, sinon le com­post clean qui ne fait rien pous­ser et sur lequel on trône. Ce com­post de vieilles for­mules toutes devi­sant de dévoi­le­ment tan­dis que le pre­mier désir d’un nou­veau maire ou du poète nou­veau est d’abattre, de com­bler, de cou­vrir et d’édifier.

Contentez-vous de l’édification, dit-on à tous les céci­teux, à tous, puis on les somme. En paral­lèle aux dor­mi­tions se déplient une à une les hor­reurs, comme en un monde sépa­ré, comme en un jadis.

Comme en un jadis, envi­ron­nés de poix, dou­blés de coton, pas­sant dans les casques un air de viole de gambe, nous nom­mons légè­re­ment nos bar­be­cues, nous y fai­sons griller de petites sar­dines.

Le par­fum des petites sar­dines m’entraîne à son tour dans le rêve, je m’en entiche, je vois le dos des pois­sons lames de rasoir reflé­ter la rivière, je change de rive, déjà je ne suis plus, là où il y avait quelqu’un.

Là où il y avait quelqu’un reste un goût de métal. Image de mâchoire défon­cée, de moi­tié du visage ôtée, sans prendre de gants.

L’humaine est une espèce à mains gan­tées, où rouge = beau, où bleu = ciel, où le blanc domine, des labo­ra­toires. L’espèce rica­nante et sen­sible. Tue d’un revers. Pleure un lustre. Commémore.

Grand ensemble
P.O.L 2008
p. 111–116

MAQUIS

Les mili­taires pensent et agissent d’un coup. C’est : lit­té­ra­ture. Ils ne nous donnent pas que des titres pra­tiques ou un lexique mais, en douce, des modèles tac­tiques, cepen­dant que nous fai­sons nos décou­pages et nos col­lages avec fuck war.

Cependant que nous fai­sons nos décou­pages et nos col­lages avec fuck war, nous pen­sons comme des mili­taires ou des avants-centres. D’autre part, il ne vaut pas mieux s’imaginer le foot­ball maro­cain por­teur de traits typi­que­ment maro­cains : n’allez pas vous ima­gi­ner des choses.

N’allez pas vous ima­gi­ner des choses, disait Cervantès, disaient Patrice Lumumba et Jimmy Durham. Ici n’est pas le lieu de l’imagination – ni celui du réel, d’ailleurs. Pas de pépites de réa­li­té dans les cookies alpha­bé­tiques.

Pas de pépites de réa­li­té dans la réa­li­té non plus, et pour­quoi y voir un pro­blème ? un chal­lenge (devoir intro­duire plus de réa­li­té) ? un manque, un trop-lein ? la langue mathé­ma­tique per­met de don­ner une juste appré­cia­tion des dépla­ce­ments de Roger Milla, le diable came­rou­nais.

Roger Milla, le diable came­rou­nais ; Pelé, une boule de muscles noirs, souple, habile, qui court dans les sables chauds de Copacabana ; Congo, les tam­bours de nos indi­gènes affectent par­fois des formes étranges qui s’inscrivent par­fai­te­ment dans un tri­angle rec­tangle.

Aux temps pré­his­to­riques déjà, des tam­bours s’inscrivent rétros­pec­ti­ve­ment dans un tri­angle rec­tangle. Galilée, sei­zième siècle, fut réha­bi­li­té rétros­pec­ti­ve­ment en 1992. La rétros­pec­tion est un tra­vail.

La rétros­pec­tion est notre tra­vail car le pré­sent ne suf­fit pas. Comment agir tout court par le biais de la rétros­pec­tion ? Comment agir par le biais de la rétros­pec­tion sans être trai­té de mar­xiste intel­lec­tuel pédo­phile ?

Il s’agit, au moment d’agir, de tra­vailler à mieux prê­ter le flanc aux accu­sa­tions de mar­xiste intel­lec­tuel pédo­phile. Et de ne pas faire le malin en énon­çant les dimen­sions exactes d’un ter­rain de foot­ball, par exemple.

Par exemple, la pré­fé­rence du mot foot ou du mot foot­ball devrait faire toute la dif­fé­rence. Ce n’est pas le cas. Le lexique n’est pas une solu­tion. Un esprit sain dans un corps saint, c’est un mau­vais début pour tout le monde.

Les paral­lé­lismes de construc­tion sont de mau­vais débuts pour tout le monde (sen­tences, pro­verbes). Il vau­drait mieux pour tout le monde faire preuve de plus de rela­ti­visme, mal­heu­reu­se­ment Galilée est pas­sé par là.

Galilée, hélas, pas­sa par là. Il se demande rétros­pec­ti­ve­ment si Johannes-Paulus n’a pas com­mis la plus grande erreur de son man­dat en le réha­bi­li­tant. Galileo Galilei a vu n’importe quoi à tra­vers sa piètre lunette, et nous voi­là faits.

Faits, c’est dire si le temps béni des colo­nies est un accom­pli. Achevé, antique, et pour­tant conti­nué par-delà par l’injection intus et in cute de cous­cous pour nous, de moderne pour eux, par nos luttes éco­no­miques et glot­tiques.

Ces luttes éco­no­mi­co-glot­tiques font tout le monde se tenir raide d’un bord à l’autre de la mer et des terres. Depuis la terre et les mers nous nous voyons et détaillons tels que, Arabes cos­tu­més en Arabes, Blancs en Blancs.

Les Blancs en Blancs sont pour eux-mêmes encore des dieux débar­qués, déchus peut-être de-ci de-là, puis tout aus­si­tôt re-lan­cés en véhi­cules hauts sur roues, bleu savane, kaki ocre, tenant en fan­tôme d’une défense l’éléphant.

L’éléphant est un elfe à pré­sent, est une force de la nature d’un elfe ; envo­lé en fumée bar­ris­sant, il nous envoie la force de ses enre­gis­tre­ments, et par force nous advient alors plus qu’une sorte de nos­tal­gie.

Plus qu’une sorte de nos­tal­gie, il s’agit de conqué­rir – car jamais en ce domaine de mémoire nous ne l’eûmes – le sens, et sen­si­bi­li­té, de l’événement. Le sens de l’événement vient majo­ri­tai­re­ment bien avant bien après. C’est ain­si que bien avant bien après nous pleu­rons. Aussi loin en avant en arrière qu’il nous ait été don­né d’aller, nous nous fîmes pleu­rer et nous les lais­sâmes à leurs larmes.

Que les évé­ne­ments pro­duisent des larmes, c’est ce que nous pre­nons garde d’oublier. Ainsi sommes-nous per­pé­tuel­le­ment sur­pris, enchan­tés et curieux. Enchantés, curieux et déso­lés, notre cœur se ravive à l’arrivée des larmes : nous vivons.

Sur un cime­tière aux pro­por­tions ter­restres, nous vivons, nous avan­çons gui­dés par les fan­tômes d’éléphants, pilo­tés par­mi les fosses, conduits par les sillons des vignes de pays où l’on ne doit pas boire de vin.

Il est dit qu’il y eut des rivières de vin, des arbres d’où cou­laient le miel, et que c’est cela même que nous nous devons d’espérer. Par tous les moyens, sans prendre de gants, nous fai­sons cou­ler le miel et le vin. Ils ruis­sellent.

Les ruis­seaux se trans­forment en fleuves, et les fleuves vont à la mer : par un abra­ca­da­bra por­té de siècle en siècle, des par­ti­cu­la­ri­tés géo­gra­phiques sont deve­nues les des­tins. Cet abra­ca­da­bra est aus­si une méthode d’apprentissage.

D’apprendre par cœur, nous sommes nous-mêmes l’objectif fixé du devoir culti­ver des vignes, n’importe où, n’importe quand, et de mesu­rer le débit de l’eau, n’importe quand, n’importe où, le débit de l’eau et le débit du lait.

Grand ensemble
P.O.L 2008
p. 105–110

Grade die schwächs­ten Leistungen der Kunst bezie­hen sich auf das unmit­tel­bare Gefühl des Lebens, die stärks­ten aber, ihrer Wahrheit nach, auf eine dem Mythischen ver­wandte Sphäre : das Gedichtete. Das Leben ist all­ge­mein das Gedichtete der Gedichte — so ließe sich sagen ; doch je unver­wan­del­ter der Dichter die Lebenseinheit zur Kunsteinheit über­zufüh­ren sucht, des­to mehr erweist er sich als Stümper. Diese Stümperei als »unmit­tel­bares Lebensgefühl«, »Herzenswärme«, als »Gemüt« ver­tei­digt, ja gefor­dert zu fin­den, sind wir gewohnt.
Trad 1 : Les plus faibles pro­duc­tions de l’art ren­voient au sen­ti­ment immé­diat de la vie, tan­dis que les plus fortes, selon leur véri­té, à une sphère parente de l’élément mythique : le poé­ma­tique. Le vivant est com­mu­né­ment le poé­ma­tique des poèmes – pour­rait-on dire ; cepen­dant plus le poète s’efforce de trans­po­ser la viva­bi­li­té en artis­ti­sable, plus il est un bou­silleur. Ce bou­sillage nous avons l’habitude de le récla­mer et de le défendre comme « vivant immé­diat », « cha­leur du cœur », « vigueur ».
Trad 2 : Le noyau poé­tique se révèle donc comme pas­sage de l’u­ni­té fonc­tion­nelle de la vie á celle du poème. En lui la vie se déter­mine par le poème, la tâche par la solu­tion. Le fon­de­ment n’est pas la tona­li­té indi­vi­duelle qui enve­loppe la vie de l’ar­tiste, mais un hori­zon de vie déter­mi­né par l’art. Les caté­go­ries dans les­quelles il est pos­sible d’ap­pré­hen­der cette sphère, la sphère du pas­sage entre les deux uni­tés fonc­tion­nelles, ne sont pas for­mée d’a­vance, et s’ap­puient peut-être en pre­mier lieu sur les concepts du mythe. Ce sont pré­ci­sé­ment les plus faibles pro­duc­tions de l’art qui se réfèrent au sen­ti­ment immé­diat de la vie, tan­dis que les plus puis­santes, selon leur véri­té, ren­voient à une sphère parente de l’élé­ment mythique : au noyau poé­tique. La vie, pour­rait-on dire, est glo­ba­le­ment le noyau poé­tique des poèmes ; pour­tant, plus le poète s’ef­force de trans­po­ser telle quelle l’u­ni­té de vie en uni­té artis­tique, plus il se révèle un bou­silleur. Ce bou­sillage, nous sommes accou­tu­més à le voir défen­du, voire récla­mé, comme « sen­ti­ment immé­diat de la vie », « cha­leur du cœur », « pro­fon­deur d’âme ».

« Deux poèmes de Friedrich Hölderlin »
Œuvres [1914]
t. 1
Folio 2000
p. 91sv.
benjamin bousilleur Dichter/Stümper gedichtete gemüt hölderlin poématique poème sagouin tâcheron/missionneur vitalisme

Ce sont bien trois abla­tifs jux­ta­po­sés, l’en­semble étant sub­su­mé comme un mot unique avec le suf­fixe d’ad­jec­tif ‑ilis, ‑ilia, ajou­té au der­nier terme avec éli­sion. Pourquoi ce jux­ta­po­sé ? C’est qu’il est tiré de l’ex­pres­sion rituelle où le nom de l’a­ni­mal sacri­fié est à l’a­bla­tif : sū facere « sacri­fier au moyen d’un ani­mal », et non l’a­ni­mal lui-même ; facere + l’a­bla­tif est cer­tai­ne­ment la construc­tion ancienne. Donc, faire l’acte sacré au moyen de ces trois ani­maux ; grou­pe­ment ancien, consa­cré, de ces trois espèces où sūs est le nom de l’es­pèce por­cine.

Le voca­bu­laire des ins­ti­tu­tions indo-euro­péennes
Minuit 1969
ablatif animal benveniste linguistique sacrifice

Je reprends et je vais prendre une réfé­rence qui a son inté­rêt qui n’est rien d’autre que quelque chose qui touche au carac­tère tout à fait le plus radi­cal des rela­tions du « je » avec le signi­fiant. Dans les langues indo-euro­péennes anciennes et dans cer­taines sur­vi­vances des langues vivantes, il y a ce qu’on appelle, et que vous avez tous appris à l’école, « la voix moyenne ». La voix moyenne se dis­tingue de la voix posi­tive et de la voix pas­sive en ceci que nous disons, dans une approxi­ma­tion qui vaut ce que valent d’autres approxi­ma­tions qu’on apprend à l’école, que le sujet fait l’action dont il s’agit. Il y a des formes ver­bales qui disent un cer­tain nombre de choses. Il y a deux formes dif­fé­rentes pour dire « je sacri­fie », comme sacri­fi­ca­teur, ou « je sacri­fie », comme celui qui offre le sacri­fice à son béné­fice.
L’intérêt n’est pas d’entrer dans cette nuance de la voix moyenne à pro­pos des verbes qui ont les deux voix parce que pré­ci­sé­ment nous n’en usons pas, nous la sen­ti­rons tou­jours mal, mais ce qui est ins­truc­tif c’est de s’apercevoir qu’il y a des verbes qui n’ont que l’une ou l’autre voix, et que c’est pré­ci­sé­ment ce que les lin­guistes, sauf dans les cas où ils sont par­ti­cu­liè­re­ment astu­cieux, laissent tom­ber. Alors là vous vous aper­ce­vez des choses très drôles : c’est, pour le recueillir dans un article, ce que M. BENVENISTE a fait sur ce sujet, et dont je vous donne la réfé­rence : Journal de Psychologie nor­male et patho­lo­gique Janvier-Mars 1950, entiè­re­ment consa­cré au lan­gage. Nous nous aper­ce­vrons que sont les moyens verbes : naître, mou­rir, suivre et pous­ser au mou­ve­ment, être maître, être cou­ché, et reve­nir à un état fami­lier, jouer, avoir pro­fit, souf­frir, patien­ter, éprou­ver une agi­ta­tion men­tale, prendre des mesures – qui est le medeor dont vous êtes tous inves­tis comme méde­cins, car tout ce qui se rap­porte à la méde­cine est déri­vé de ce medeorpar­ler enfin, c’est très pré­ci­sé­ment du registre de ce dont il s’agit dans ce qui est en jeu dans notre expé­rience ana­ly­tique.
Dans le cas où les verbes n’existent et ne fonc­tionnent dans un cer­tain nombre de langues qu’à la voix moyenne et seule­ment à cette voix, et d’après l’étude c’est très pré­ci­sé­ment à cette notion que le sujet se consti­tue dans le pro­cès ou l’état, que le verbe exprime.
N’attachez aucune impor­tance aux termes « pro­cès » ou « état », la fonc­tion ver­bale comme telle n’est pas du tout si faci­le­ment sai­sie dans aucune caté­go­rie. Le verbe est une fonc­tion dans la phrase, et rien d’autre, car « pro­cès » ou « état », les sub­stan­tifs l’expriment aus­si bien. Le fait que le sujet soit plus ou moins impli­qué n’est abso­lu­ment pas chan­gé par le fait que le pro­cès dont il s’agit soit employé à la forme ver­bale. Le fait qu’il soit employé à la forme ver­bale dans la phrase, n’a aucune espèce de sens, c’est qu’il sera le sup­port d’un cer­tain nombre d’accents signi­fiants qui situe­ront l’ensemble de la phrase sous un aspect ou sous un mode tem­po­rel.

Le sémi­naire
t. 3 Les psychoses (1955–1956)
Seuil 1981
actif/passif benveniste diathèse état lacan moyen procès psychanalyse sacrifice voie moyenne