La véritable fonction sociale de la philosophie est la critique de l’existant [du subsistant : de ce qui apparaît comme ontologiquement continu, historiquement constant, essentiellement invariable ; des Bestehenden]. Ça implique de ne pas ergoter superficiellement sur des idées ou des états [situations, Zustände] isolés, comme si un philosophe était un drôle de zouave [ein komischer Kauz ; un olibrius, un drôle de loustic]. Ça n’implique pas non plus que le philosophe déplore telle ou telle circonstance prise isolément et trouve un remède à cela. Le seul but d’une telle critique est d’éviter que les Hommes se perdent dans les idées et les…
L’exigence platonicienne d’un gouvernement par les philosophes ne signifie pas que les gouvernants doivent être choisis parmi les auteurs de manuels de logique. Dans les affaires, l’esprit de spécialité [Fachgeist] ne connaît que le profit, dans le domaine militaire le pouvoir, et même en science, le succès seulement dans une discipline particulière [Spezialdisziplin]. Si cet esprit n’est pas contrôlé, il caractérise un état anarchique de la société. Pour Platon, la philosophie allait de paire avec l’effort pour unir et maintenir les différentes capacités [Vermögen] et branches de la connaissance [Arten der Erkenntnis] dans une cohérence qui rende productifs ces éléments…
La crainte qu’éprouve le fils authentique de la civilisation moderne à l’idée de s’éloigner des faits qui sont déjà schématiquement préformés par les conventions dominantes de la science, du commerce et de la politique, est la même que la crainte qu’inspire la déviation sociale. Ces conventions définissent également le concept de clarté – [de la langue comme de la pensée] – auquel l’art, la littérature et la philosophie doivent s’adapter aujourd’hui. Tandis que ce concept réprouve tout traitement négatif que [cette pensée] inflige aux faits ou aux formes dominantes comme obscur et compliqué, [ou au mieux comme barbare, (landesfremd)] pour…