Lyotard résumant Antisthène : « qu’il n’y a nulle définition de chose, mais seulement nominale, que toute proposition définitionnelle est de type déictique : ceci est Socrate, que les jugements en général sont de forme non pas attributive, mais événementielle, comme : Socrate musicien (= Socrate est en train de s’adonner aux Muses). Parant, qu’il n’y a pas de contradiction possible entre deux interlocuteurs, car ou bien ils parlent de la même chose, et il faut alors qu’ils emploient les mêmes mots, ou bien si leurs énoncés diffèrent, c’est qu’ils désignent des choses différentes. (…) Et qu’il n’y a pas non plus d’erreur en…
Telle serait la diablerie en matière de théorie (fort éloignée du diabolisme) qu’on y préfère laisser courir la puissance d’inventer plutôt que consolider par des preuves les nouveautés qu’on propose. Encore est-ce peu dire : on préfère se mettre en situation d’avoir à inventer plutôt que de rester en position d’avoir à prouver. C’est ainsi qu’on « décide » de cesser de répondre, qu’on se fait irresponsable, et qu’on s’exclut de la société savante. L’intelligence théorique se fait insensible aux arguments, aux sic et non, aux valeurs du savoir, aux mathèmes. Elle désire le nouveau, nur aus wissenschaftlicher Neugierde ; mais alors quelle…
Klosswski dit : ma syntaxe, c’est la peau de Roberte, la peau enfermant le volume du corps singulier portant un nom propre. Or cela, ce que dit Klossowki, n’est pas la perversion ? La dureté, la tension de la grammaire et du lexique opèrent comme la production d’un écran tendu à rompre, cet écran se referme sur lui-même en un corps volumineux, le corps de Roberte, ce corps est attachable à un sujet qui viendra en occuper l’intérieur. Et alors toute variation fixe de la grammaire, du lexique fera signe, frisson, passage d’intensité sur le corps propre de la victime. Cette variation…
Ouvrez le prétendu corps et déployez toutes ses surfaces : non seulement la peau avec chacun de ses plis, rides, cicatrices, avec ses grands pans veloutés, et contigus à elle le cuir et sa toison de cheveux, la tendre fourrure pubienne, les mamelons, les ongles, les cornes transparentes sous le talon, la légère friperie, entée de cils, des paupières, mais ouvrez et étalez, explicitez les grandes lèvres, les petites lèvres avec leur réseau bleu et baignés de mucus, dilatez le diaphragme du sphincter anal, coupez longitudinalement et mettez à plat le noir conduit du rectum, puis du côlon, puis du cæcum,…
En invoquant le désir, on n’a encore rien dit, car il s’entend fort bien, Diotime l’enseignait déjà au crédule Socrate, comme Penia, le manque ; et cela suffit pour que la représentation conserve tous ses droits. Elle sera seulement plus nostalgique, mystique : riche tradition, en Occident, de la théologie négative du désir. Mais l’humour procède d’un Eros qui est tout Poros, rien que moyen de moyenner, comme d’une logique sans aporie et d’une politique sans utopie. A ce désir, il faut des dieux beaucoup plus retors que celui qui s’est proclamé la vérité, et des divinations sans pêché. Jean-François Lyotard Rudiments…
Cette génitalité dont parle Freud, où on passe des pulsions partielles dans un parcours réputé normal, de l’état pervers polymorphe de l’enfant jusqu’à la génitalité … En fait, c’est Freud lui-même qui nous a donné le matériel pour penser cela non pas comme un parcours normal, mais comme une espèce de conflit, de lutte, pour obtenir un corps génital érotique. En fait, ce corps érotique génital, c’est celui qui est exigé par la reproduction, c’est à dire par l’instance capitaliste pour notre société. Freud nous donne encore les moyens de penser ce qu’est la jouissance, en tant qu’elle échappe à…
Où il y a intensité, il y a labyrinthe, et déterminer les sens du parcours, souffrance ou allégresse, est l’affaire des consciences et de leurs directeurs. Il nous suffit que la barre tourne pour que fusent les spirales imprévisibles, il nous suffit qu’elle ralentisse et s’arrête pour que s’engendrent la représentation et la pensée claire. Donc pas de bonnes et de mauvaises intensités, mais l’intensité ou sa décompression. Et comme on l’a dit et on le redira, l’une et l’autre dissimulées ensemble, le sens caché dans l’émotion, le vertige dans la raison. Ainsi point de morale, plutôt une théâtrique ; point…
Cette idée d’un système clos est fantasmatique. C’est le fantasme du capital, bien sûr ! C’est pour ça que, simultanément, le Kapital est foncièrement impérialiste : non pas simplement au sens où il a besoin d’écraser des peuples à sa périphérie, mais il a besoin d’une périphérie en général, et il a besoin de la pomper, et ce, sans le dire, i.e. de faire des prélèvements d’énergie où que ce soit dans le système solaire, dans l’air et dans l’eau, de faire entrer dans son propre circuit en faisant croire au miracle de la croissance autonome de ce circuit. Ce qui est…
La perversion, comme dit Klossowski, est « hors de prix » ; en fait de valeur. À la limite, comme il le dit, un phantasme sadien, ça coûte une population entière, ça s’achète au prix que coûterait la survie d’une population. Gilles Deleuze Jean-François Lyotard Dialogue 1973 http://www.le-terrier.net/deleuze/aveclyotard04-01–73.htm fr…
Et pour chaque branchement, un nom divin, pour chaque cri, intensité et branchement qu’apportent les rencontres attendues et inattendues, un petit dieu, une petite déesse, qui a l’air de ne servir à rien quand on le regarde avec les globuleux yeux tristes platonico-chrétiens, qui ne sert en effet à rien, mais qui est un nom de passage de l’émotion. Jean-François Lyotard Économie libidinale Minuit 1974 17…
Toujours perdus, même lorsque nous croyons nous y retrouver, quand par exemple, telle émotion nous l’attribuons à un suppôt, à nous-mêmes, à une personne. Jean-François Lyotard Économie libidinale Minuit 1974 50…
Ce qui nous menace, économistes libidinaux, c’est de fabriquer une nouvelle morale avec cette consolation, c’est de proclamer et de diffuser que la bande libidinale est bonne, que la circulation des affects est gaie, que l’anonymat et l’incompossibilité des figures sont épatants et libres, que toute douleur est réactionnaire et recèle le poison d’une formation issue du grande Zéro. Jean-François Lyotard Économie libidinale Minuit 1974 20…