Le plus dur, c’est l’heure du loup, entre trois et cinq heures. Quand viennent les démons : les regrets, l’ennui, la peur, le malaise, la fureur. Ça ne sert à rien d’essayer de les endiguer, ça devient encore pire. Quand mes yeux sont fatigués de lire, j’ai la musique. Je ferme les yeux et je donne libre cours aux démons : venez, je vous connais, je sais comment vous fonctionnez, allez‑y jusqu’à ce que vous en ayez assez, je ne résiste pas. Les démons deviennent alors de plus en plus rageurs et au bout d’un moment, le fond cède, ils se montrent ridicules, ils disparaissent et je m’endors pour une heure ou deux.
Étiquette : démon
Mais après avoir ainsi exposé la motivation manifeste de cette figure du « double », nous sommes forcés de nous avouer que rien de tout ce que nous avons dit ne nous explique le degré extraordinaire d’inquiétante étrangeté qui lui est propre. Notre connaissance des processus psychiques pathologiques nous permet même d’ajouter que rien de ce que nous avons trouvé ne saurait expliquer l’effort de défense qui projette le double hors du mot comme quelque chose d’étranger. Ainsi le caractère d’inquiétante étrangeté inhérent au double ne peut provenir que de ce fait : le double est une formation appartenant aux temps psychiques primitifs, temps dépassés où il devait sans doute alors avoir un sens plus bienveillant. Le double s’est transformé en image d’épouvante à la façon dont les dieux, après la chute de la religion à laquelle ils appartenaient, sont devenus des démons. (Heine, Die Götter in Exil, Les dieux en exil.)
Je ne puis ici qu’indiquer comment l’impression d’inquiétante étrangeté produite par la répétition de l’identique dérive de la vie psychique infantile et je suis obligé de renvoyer à un exposé plus détaillé de la question dans un contexte différent1. En effet, dans l’inconscient psychique règne, ainsi qu’on peut le constater, un « automatisme de répétition » qui émane des pulsions instinctives, automatisme dépendant sans doute de la nature la plus intime des instincts, et assez fort pour s’affirmer par-delà le principe du plaisir. Il prête à certains côtés de la vie psychique un caractère démoniaque, se manifeste encore très nettement dans les aspirations du petit enfant et domine une partie du cours de la psychanalyse du névrosé. Nous sommes préparés par tout ce qui précède à ce que soit ressenti comme étrangement inquiétant tout ce qui peut nous rappeler cet automatisme de répétition résidant en nous-mêmes.