Nous en croyons Michel Foucault : l’histoire des idées commence vraiment quand on historicise l’idée philosophique de vérité.
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Le mythe avait un contenu qui était situé dans une temporalité noble et platonique, aussi étrangère à l’expérience individuelle et à ses intérêts que l’auraient été des phrases ministérielles ou des théories ésotériques apprises à l’école et crues sur parole.
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Le mythe était un tertium quid, ni vrai, ni faux.
Auteur : Lecteur
Quoi qu’on en dise, les conceptions les plus répandues du temps ne sont, ni celle du temps cyclique, ni celle du temps linéaire, mais celle du déclin (Lucrèce la tient pour une évidence) : tout est fait et inventé, le monde est adulte et n’a donc plus qu’à vieillir. Cette conception est la clé implicite d’une phrase difficile de Platon, Lois, 677C, pour qui il n’y aurait plus de place pour les inventions (qui ne sont que des réinventions), si la plus grande partie de l’humanité n’était périodiquement détruite avec tout son acquis culturel.
Les Sedang Moï d’Indochine, qui ont institué des moyens permettant à l’homme de renoncer à son statut d’être humain et de devenir sanglier, réagissent néanmoins différemment, selon qu’ils ont affaire à un sanglier véritable ou à un sanglier nominal.
Le symbolisme des Huichol admet une identité entre le blé et le cerf ; M. Levy-Bruhl ne veut pas qu’on parle ici de symbole, mais plutôt de pensée prélogique. Mais la logique du Huichol ne serait prélogique que le jour où il préparerait une bouillie de blé en croyant faire un ragoût de cerf.
Disons qu’une oeuvre d’art est, à sa manière, tenue pour vraie, même là où elle passe pour de la fiction ; car la vérité est un mot homonyme qui ne devrait s’employer qu’au pluriel : il n’existe que des programmes hétérogènes de vérité. […] Il en est de la vérité comme de l’Être selon Aristote : elle est homonymique et analogique, car toutes les vérités nous semblent analogues entre elles, si bien que Racine nous semble avoir peint la vérité du coeur humain.
Un monde ne saurait être fictif par lui-même, mais seulement selon qu’on y croit ou pas. […] L’objet n’est jamais incroyable en lui-même et son écart avec « la » réalité ne saurait nous choquer, car nous ne l’apercevons même pas, les vérités étant toutes analogiques.
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Nous changeons de vérité quand, de notre quotidienneté, nous passons à Racine, mais nous ne nous en apercevons pas. Nous venons d’écrire une lettre de jalousie confuse et interminable, que nous avons démentie précipitamment une heure plus tard, par télégramme, et nous passons à Racine et Catulle, où un cri de jalousie, dense comme l’en-soi [cf Sartre], dure quatre vers, sans un faux pli : nous trouvons que ce cri est combien vrai !