Nous en croyons Michel Foucault : l’his­toire des idées com­mence vrai­ment quand on his­to­ri­cise l’i­dée phi­lo­so­phique de véri­té.
[…] Le mythe avait un conte­nu qui était situé dans une tem­po­ra­li­té noble et pla­to­nique, aus­si étran­gère à l’ex­pé­rience indi­vi­duelle et à ses inté­rêts que l’au­raient été des phrases minis­té­rielles ou des théo­ries éso­té­riques apprises à l’é­cole et crues sur parole.
[…] Le mythe était un ter­tium quid, ni vrai, ni faux.

Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?
Seuil 1983
croyance dupeté foucault Grèce Antique mythe tertium quid vérité Veyne

Quoi qu’on en dise, les concep­tions les plus répan­dues du temps ne sont, ni celle du temps cyclique, ni celle du temps linéaire, mais celle du déclin (Lucrèce la tient pour une évi­dence) : tout est fait et inven­té, le monde est adulte et n’a donc plus qu’à vieillir. Cette concep­tion est la clé impli­cite d’une phrase dif­fi­cile de Platon, Lois, 677C, pour qui il n’y aurait plus de place pour les inven­tions (qui ne sont que des réin­ven­tions), si la plus grande par­tie de l’hu­ma­ni­té n’é­tait pério­di­que­ment détruite avec tout son acquis cultu­rel.

Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?
Seuil 1983
adultesse cycle déclin déclinisme fin du monde invention ligne linéarité platon temps vieillissement

Les Sedang Moï d’Indochine, qui ont ins­ti­tué des moyens per­met­tant à l’homme de renon­cer à son sta­tut d’être humain et de deve­nir san­glier, réagissent néan­moins dif­fé­rem­ment, selon qu’ils ont affaire à un san­glier véri­table ou à un san­glier nomi­nal.

Ethnopsychanalyse com­plé­men­ta­riste. Essai de réfu­ta­tion de la théo­rie du pré­lo­gisme
Flammarion 1972
croyance dupeté humain humanité nominalisme renoncement statut symbolisme

Le sym­bo­lisme des Huichol admet une iden­ti­té entre le blé et le cerf ; M. Levy-Bruhl ne veut pas qu’on parle ici de sym­bole, mais plu­tôt de pen­sée pré­lo­gique. Mais la logique du Huichol ne serait pré­lo­gique que le jour où il pré­pa­re­rait une bouillie de blé en croyant faire un ragoût de cerf.

La rai­son pri­mi­tive
Librairie orientaliste P. Geuthner 1927
croyance dupeté Levy-Bruhl logique prélogique primitif symbolisme

Disons qu’une oeuvre d’art est, à sa manière, tenue pour vraie, même là où elle passe pour de la fic­tion ; car la véri­té est un mot homo­nyme qui ne devrait s’employer qu’au plu­riel : il n’existe que des pro­grammes hété­ro­gènes de véri­té. […] Il en est de la véri­té comme de l’Être selon Aristote : elle est homo­ny­mique et ana­lo­gique, car toutes les véri­tés nous semblent ana­logues entre elles, si bien que Racine nous semble avoir peint la véri­té du coeur humain.
Un monde ne sau­rait être fic­tif par lui-même, mais seule­ment selon qu’on y croit ou pas. […] L’objet n’est jamais incroyable en lui-même et son écart avec « la » réa­li­té ne sau­rait nous cho­quer, car nous ne l’a­per­ce­vons même pas, les véri­tés étant toutes ana­lo­giques.
[…] Nous chan­geons de véri­té quand, de notre quo­ti­dien­ne­té, nous pas­sons à Racine, mais nous ne nous en aper­ce­vons pas. Nous venons d’é­crire une lettre de jalou­sie confuse et inter­mi­nable, que nous avons démen­tie pré­ci­pi­tam­ment une heure plus tard, par télé­gramme, et nous pas­sons à Racine et Catulle, où un cri de jalou­sie, dense comme l’en-soi [cf Sartre], dure quatre vers, sans un faux pli : nous trou­vons que ce cri est com­bien vrai !

Les Grecs ont-ils cru à leurs mythes ?
Seuil 1983
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