23 05 14

Ein Querschnitt durch alles (2/3)

 

Ist der einfäl­tige Himmel
Denn reich ?1

Friedrich Hölderlin, « Was ist der Menschen Leben ? »

Version courte : quand le binaire n’a­ma­doue plus, la connais­sance est comme ren­due momen­ta­né­ment indi­geste. Peut-être sur­tout pour les yeux. Peut-être pas.

Version longue, émol­liente mais pénible, peut-être sur­tout pour les yeux, peut-être pas :

Le binaire ama­douait, tout se lais­sait prendre et cueillir au sein de la matière. Configurations ani­mées : prendre. Configurations inani­mées : cueillir. Tout savait se consti­tuer bonne chasse et le soir, chasse ayant été bonne, on pou­vait se concen­trer sur l’Être, les légendes, les récits de sau­ve­tage.

Quand l’ère du binaire ama­douant fut gagnée par les brumes, les eaux, les pâtes ali­men­taires, dar­dée par les cieux écu­meux – minée par toutes choses plus et mieux sin­gu­lières quand elles sont au plu­riel –, alors put com­men­cer le règne de la pro­fu­sion. Les sels, les miels, les huiles, les aulx, plus rien n’ac­com­mo­dait. Saler, hui­ler, ailler, opé­ra­tions si cou­tu­mières que des mots pour ça s’é­taient impo­sés, des mots d’u­sage, en ‑age, des mots essen­tiels comme salage, hui­lage, aillage, ces opé­ra­tions cou­tu­mières qui per­met­taient d’ac­com­mo­der étaient deve­nues aus­si dures qu’atteindre l’or­gasme, voire aus­si dures que chan­ter la pre­mière colo­ra­tu­ra de l’Hölle Rache (une infer­nale rage ven­ge­resse bout dans mon cœur) .

Pourquoi ? Parce qu’é­vi­dem­ment trop de choses existent qui n’ont pas de contraire. Intensifier passe par saler, se répé­ter, égout­ter ou avoir un orgasme. Intensifier passe par accom­mo­der, essayer des usages, se débar­ras­ser des choses à faire ou tacher le dasein. On dit esso­rer la salade, mais on dit égout­ter les pâtes. Des mots impor­tants. Je disais esso­rer les pâtes, je disais aus­si esso­rer la salade, je n’a­vais pas idée de l’in­croyable diver­si­té des usages que se laissent appli­quer les confi­gu­ra­tions trem­pées de la matière. J’ai bien dû égout­ter les pâtes en me disant je les essore ; le fait est que pen­sant esso­rer j’ai pour­tant tou­jours égout­té mes salades, alors que je n’ai pro­ba­ble­ment jamais dit je sèche la salade et on pour­ra pas­ser à table.

Je n’ai jamais eu de pro­blème avec sécher le chien, je n’ai jamais dit drai­ner le chien ou égout­ter le chien, mais j’ai long­temps igno­ré qu’a­vant qu’on ne le sèche quand on arrive à l’at­tra­per le chien, en lui-même et pour lui-même, dans un mou­ve­ment carac­té­ris­tique des confi­gu­ra­tions ani­mées de la matière, le chien s’é­broue, alors qu’il est dif­fi­cile de dire sans s’ex­po­ser à un moment gênant de poé­sie ving­tié­miste que les pâtes s’é­brouent. S’ébrouer est un usage ancien dont l’his­toire est com­plexe et l’o­ri­gine obs­cure : il semble que s’é­brouer ait long­temps été à la fois sali­ver d’en­vie et se mettre en rage.

Un rata ven­geur, vrai­ment chaud, cuit dans mon cœur.

Saliver d’en­vie et se mettre en rage sont des usages pos­sibles d’un corps sur lui-même ren­con­trant d’autres confi­gu­ra­tions de la matière, mais en réa­li­té très peu de confi­gu­ra­tions de la matière, ani­mées comme inani­mées, sont sus­cep­tibles d’é­veiller à la fois sali­ver d’en­vie ET se mettre en rage dans un même plat de cœur, un ragoût d’af­fects bouillants émol­lié par les huiles, accom­mo­dé par les sels et les sauces.

Pourtant cer­tains corps, que la matière a confi­gu­rés de manière suf­fi­sam­ment sem­blable et suf­fi­sam­ment dis­sem­blable au nôtre, sont sus­cep­tibles d’é­veiller à la fois sali­ver d’en­vie et se mettre en rage (par exemple le corps de sa propre fille quand on est à la fois monarque et vieillis­sante).

Der Hölle Rache kocht in mei­nem Herzen ;
Tod und Verzweiflung flam­met um mich her !
[…] So bist du meine Tochter nim­mer­mehr ! [pre­mière colo­ra­ture]
Verstossen sei auf ewig, ver­las­sen sei auf ewig,
Zertrümmert sei’n auf ewig alle Bande der Natur

La colère d’en­fer bout dans mon cœur ;
La mort et le déses­poir dardent autour de moi !
[…] Tu n’es plus ma fille, non plus jamais !
Que soient à jamais ban­nis, à jamais per­dus,
À jamais détruits tous les liens de la nature…

Darder est d’un usage curieux, pro­fus (c’est à la fois lan­cer, piquer, brû­ler et péné­trer, faire jaillir, cibler), typique de ces mots mijo­tés par un esprit de cour sou­cieux de sug­ges­ti­vi­té puis savou­rés sans mesure par les poètes du dix-neu­vième ; un de ces mots comme ardeur tel­le­ment pro­fus qu’en fait à la fin du mijot, ils peuvent signi­fier à la fois la sali­va­tion et la mise en rage. Darder est de ces radi­caux émol­lients qui font de tout rata-de-cœur un velou­té tra­gique.

Le dar­dant, le grand dar­dant quo­ti­dien-his­to­rique tout autour, le dar­dant qui darde des trucs à nous éga­le­ment iden­tiques et dis­sem­blables, le dar­dant des chiens-trem­pés-de-la-matière qui se laissent dif­fi­ci­le­ment attra­per, esso­rer, égout­ter, drai­ner, mais qui s’é­brouent sans cesse et qui s’é­brouant nous puzzlent (nous mettent en pièces, nous ont à l’u­sure), cette inces­sante dar­de­rie je l’ap­pel­le­rai pro­fu­sion et je crains ne pou­voir en par­ler qu’en per­dant toute cette belle com­pa­ci­té qui fait que the world fits, die Welt passt, et qui empêche aus­si, pour le moins contra­dic­toi­re­ment, que le monde aille.

proust_aillage

Perte de compacité

Pascal, au milieu de son pro­jet fou d’ac­com­mo­der la mort et le déses­poir qui cuit dans les cœurs, écrit :

Le silence éter­nel de ces espaces infi­nis m’ef­fraie2.

Devant la pro­fu­sion, l’i­dée vient d’ac­com­mo­der Pascal : le bruit constant de ces espaces infi­nis m’ef­fraie, m’in­hibe ; ou bien l’in­verse, ce qui serait encore
accom­mo­der Pascal
on n’en sort pas
une des­ti­née ce serait
de l’é­poque
la pro­fu­sion cuit sale, sert
accom­mo­der Pascal, la pro­fu­sion
sont LES grands émol­lients de ce monde
(pre­mière anto­no­mase).

Comment régler les pro­blèmes avec la pro­fu­sion, avec DAME PROFUSION, qui réjouit et affole, bise et tance, mouche rosse pile en même temps ?

Comment faire ?
COMMENT ?
[komɛ̃] ??
.

Comment accep­ter qu’une confi­gu­ra­tion de la matière cha­mar­rée quelque part dans le monde, à plumes, à un moment pré­cis de ce monde-ci, où deux-cent-vingt-mil­lions de corps essorent les pâtes et six-cent-sept-mil­lions sont enga­gés dans le dur pari d’avoir un orgasme com­mun, com­ment accep­ter qu’au même moment une confi­gu­ra­tion de la matière bigar­rée entame, asant cra­quant, jabo­tant pour se mettre en voix, entame, sous la menace et le vivat tech­no­lo­giques, la pre­mière colo­ra­ture de l’Hölle Rache ?

La pro­fu­sion vide l’im­pro­ba­bi­li­té de toute sub­stance. Il est natu­rel que tout existe. Que le per­ro­quet colo­ra­teur existe appelle diver­se­ment l’é­cume, fait sali­ver et met en rage.

Qu’il existe bise : )
qu’il existe claque : (

N’empêche qu’il bise ou claque le per­ro­quet colore, accom­mode et sert des temps d’at­ten­tion com­muns pen­dant les­quels pour cer­tains the world fits, die Welt passt et pour d’autres le monde est empê­ché d’al­ler ou d’ailler ; accom­mode et sert des temps d’at­ten­tion dis­tincts pen­dants les­quels pour un même corps par­fois the world fits, die Welt passt et par­fois le monde est pour ce même corps entra­vé – un moment dou­lou­reux qui pro­duit des œuvres tra­giques, très, très salées.

Un enfer de rage bout dans mon cœur
Un putain de rata y mijote, ok ?
Le fri­cot des âmes fré­mis­sant en chœur
Quand colo­rate le per­ro­quet

Si l’on syn­thé­tise dans un même temps plus vaste ces temps plus res­treints d’at­ten­tion pen­dant les­quels un même corps, objet de contin­gences sau­vages, se prend des bises et des claques par le constat d’une exis­tence, quelque part dans ce monde-ci, à un moment pré­cis où esso­rer les pâtes et avoir un orgasme com­posent le tis­su conti­nu du monde (le texte ordi­naire de son fit­tage et de son pas­sage) si l’on syn­thé­tise ces temps-là où des bises et des claques sont don­nées par le constat de l’exis­tence d’une confi­gu­ra­tion de la matière bigar­rée enton­nant, tenue en joue tech­no­lo­gi­que­ment, la pre­mière colo­ra­tu­ra de l’Hölle Rache, on obtient l’é­qua­tion sui­vante :

: ) + : ( = : ()

Circonspection, moue de mérou, stu­pé­fac­tion, coif­feuse jani­forme où se font dos effa­rade et fas­ci­na­tion. L’hébétude frappe on se retrouve avec une moue de mérou frap­pé par l’ef­fa­rade à consi­dé­rer une mani­fes­ta­tion de la pro­fu­sion celle qui bise, tance, ébroue peut-être pour­rait-on dire en tout cas menace indé­nia­ble­ment la belle com­pa­ci­té.

Accommoder et servir

Pour qu’il bise ou qu’il tance, pour qu’il hébète par sa suf­fi­sante inti­mi­té avec le connu et le carac­tère suf­fi­sam­ment étrange de son accom­mo­da­tion dans nos vies, il faut que le colo­ra­teur bigar­ré soit per­çu comme signi­fi­ca­tif de TOUT, c’est-à-dire comme le signe
* que TOUT peut exis­ter (c’est l’in­fi­ni poten­tiel, TOUT per­çu comme liste fuyante, série infi­nis­sable);
ou
* que chaque chose existe dès qu’elle darde en pen­sée, en affect ou en songe – chaque chose s’a­joute immé­dia­te­ment à TOUT (c’est l’in­fi­ni actuel, TOUT per­çu comme bau­druche gon­flant sans fin).

D’où que TOUT est à la fois LE™ grand colo­ra­teur et LE™ grand sagouin. Singulièrement, sou­ve­rai­ne­ment l’un et l’autre. Le grand colo­ra­teur se porte garant de vider l’im­pro­ba­bi­li­té de toute sub­stance ; il tra­vaille à la purge per­ma­nente et immé­diate des fuites d’im­pro­bable ; il traque et course les confi­gu­ra­tions de la matière titu­bant dans le monde comme des pin­tades sau­vages, les chope, les bague, les ajoute aux registres, les porte à congruence et donc à visi­bi­li­té, les relâche déli­ca­te­ment dans la vrai­sem­blance, les regarde rejoindre le monde avec l’as­su­rance de pou­lardes de Bresse, dans la lumière des per­cep­tions, à jamais désor­mais à dis­po­si­tion de vrai­sem­blance, à dis­po­si­tion de per­cep­tion, à jamais désor­mais por­tées au degré d’une Wahrnehmung (cap­ta­tion de vrai) accrue d’une nou­velle Wahrscheinung (sem­blance de vrai). Le grand sagouin, lui, se charge d’ac­cor­der, dans la même per­ma­nence et la même immé­dia­te­té que le colo­ra­teur, les per­cep­tions aux vrai­sem­blances, séquence le per­çu dès sa paru­tion, l’in­dexe sur le vrai­sem­blable selon une sym­pa­trie dif­fi­cile, chan­geante : vrai­sem­blance hôte du per­çu para­site ; per­çu hôte de la vrai­sem­blance para­site.

Mais en fait comme tous les objets lus­trés par l’an­to­no­mase, TOUT n’est pas per­ti­nent, c’est un abus ; quand on dit TOUT on pense ENSEMBLE – ENSEMBLE clos qui gonfle (et c’est l’in­té­gra­tion sans condi­tions du grand colo­ra­teur) ou ENSEMBLE ouvert amen­dable (et c’est la pers­pec­tive ouverte par le grand sagouin). TOUT est une vue de l’es­prit, ENSEMBLE une confor­ma­tion rai­son­nante.

Une confor­ma­tion rai­son­nante est une accom­mo­da­tion de la matière qui la rend ser­vable (pré­sen­table, savou­reuse) et ser­viable (apte au ser­vice, prête à la mise en ser­vice). Que savou­rer soit tout entier du côté de sali­ver d’en­vie n’est pas sûr. Que la mise en ser­vice ait tout à voir avec la mise en rage : bah n’est pas sûr non plus. Saliver est aus­si bien accom­mo­der, se mettre en rage est aus­si bien ser­vir. On se ras­semble dif­fi­ci­le­ment, on se recueille dif­fi­ci­le­ment devant TOUT ; on a peut-être sim­ple­ment l’air plus com­pact devant ENSEMBLE, peut-être a‑t-on l’air plus consis­tant devant l’i­ma­gier ou la table des confi­gu­ra­tions.

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Mais donc ENSEMBLE n’est pas une confi­gu­ra­tion de la matière, c’est un plat d’af­fects dont la pré­sen­ta­tion et la savou­ra­tion font déjà par­tie de la diges­tion. N’empêche ENSEMBLE emprunte à ce qu’il gobe, cuit, verse au mijot et sert en sala­dier, ENSEMBLE emprunte à ce qu’il sub­sume des carac­té­ris­tiques d’ap­pa­rence comme avoir l’air conti­nu ou dis­con­ti­nu, avoir l’air selon les temps d’at­ten­tion consis­tant ou incon­sis­tant, avoir l’air selon les corps orga­ni­sant ces temps com­pact ou épars.

Les sels, les aulx, les miels, les pâtes ali­men­taires sont des confi­gu­ra­tions de la matière inani­mée sou­vent por­tées à la liste com­po­sant ENSEMBLE et qu’on peut appe­ler : l’in­ven­taire. Curieusement les sels, les huiles, agents accom­mo­dants, com­mu­niquent par leur plu­riel même un air de com­pa­ci­té.

Les temps où ENSEMBLE a l’air incon­sis­tant, épars, dis­con­ti­nu rossent, pilent, bisent, tancent, moudent, salent, parce que ces temps nous intro­duisent à notre propre inca­pa­ci­té à rem­plir la tâche de ras­sem­bler donc à rem­plir la tâche de se ras­sem­bler, à rem­plir la tâche de se recueillir, donc à rem­plir la tâche de recueillir.

Un ragoût infer­nal pré­pare un chien de sa chienne dans mon cœur.

Grande épopée gérondive

Un conte rab­bi­nique dit que dieu, après avoir déjà dar­dé sur le monde beau­coup de confi­gu­ra­tions de matière d’une dis­si­mi­la­ri­té effa­rante mais sem­blables parce que bisées et tan­cées sous et par les mêmes cieux, dieu qui déjà avait beau­coup, beau­coup dar­dé pour être exact vingt-six fois – vingt-six mou­tures dans la cor­beille de dieu – dieu, à sa vingt-sep­tième et der­nière-en-date ten­ta­tive pour créer une ver­sion satis­fai­sante du monde, dieu tout à coup s’é­broue mêlant l’ap­pé­tit sali­va­teur et la rage ardente, accom­mo­dant au grain de sel près avant de son­ger à ser­vir, pro­dui­sant une sali­va­tion écu­mante conce­vable pour nous seule­ment dans le cas du plus coui­nant orgasme et du plus coui­nant appé­tit, dieu s’é­broue donc et pense tout fort mais pour soi-même (c’est dieu) : pour­vu que cette fois ça tienne.3

Que ça tienne c’est que ça tienne bon mais aus­si que ça tienne ensemble, parce que dieu, cette grande sin­gu­la­ri­té à vrai dire je dirais même LA grande sin­gu­la­ri­té de ce monde, dieu avait bien com­pris que la com­pa­ci­té du monde (sa conti­nui­té maté­rielle) était garante de sa consis­tance (sa conti­nui­té spé­cu­la­tive).

L’impression par­fois que ça ne tient pas pré­ci­pite l’at­ten­tion dans des temps de longue effa­rade, sale trop, fait des taches sur l’in­ven­taire comme un can­cer sur les confi­gu­ra­tions de la matière ani­mées comme inani­mées et alors on voit tout le funeste du monde appa­raître, créant beau­coup d’é­pars, ren­dant mani­feste que la majo­ri­té de son temps et de son espace est occu­pée à la décom­po­si­tion, au déchi­que­tage, à la mou­ture, alors qu’on pen­sait pou­voir faire un ragoût cor­rect, hon­nête, ras­sem­bler ses affects ou se ras­sem­bler, bei­sam­men behal­ten4.

Mais le bei­sam­men se dérobe, même et en preums à ceux qui cherchent l’u­ni­té de la mou­ture dans la salade, le cœur ou les scoops d’exi­lés, comme Hölderlin, à Patmos, sur les traces de Jean, fai­sant part, au dos d’une lettre, d’une révé­la­tion ren­ver­sée :

Ist der einfäl­tige Himmel
Denn reich ?1

Les temps où ENSEMBLE a l’air consis­tant, com­pact et conti­nu, pas en dépit du colo­ra­teur cha­mar­ré ni grâce à lui vrai­ment, mais en tout cas face à la mani­fes­ta­tion du colo­ra­teur cha­mar­ré, ces temps bisent parce qu’ils confirment la per­ti­nence de l’in­ven­taire : les cri­tères sont congruents qui l’or­ga­nisent et rendent pos­sible qu’on l’a­mende.

L’échantillon est repré­sen­ta­tif (le per­ro­quet colo­ra­teur est un agent méto­ny­mique de TOUT) et c’est l’in­ven­taire avant déluge : extrait essen­tiel, amen­de­ment doux, Noé essore les pâtes, du thon rem­pile pour une mou­ture, pas de pour­vu ça tien­dra, c’est sûr, d’ailleurs si tout le monde est bon et si la salade est bien sèche je crois qu’on va pou­voir pas­ser à table (du per­ro­quet s’é­chappe
une colo­ra­ture mimé­tique en joue tech­no­lo­gique
regarde la matière répond,
regarde bien,
guck mal comme la matière répond
mer­ci l’hu­main
).

Ist der einfäl­tige Tisch / Denn reich ?

Que l’in­ven­taire nous compte dans TOUT, que l’in­ven­taire consi­dère la matière qui nous fait sin­gu­liers (suf­fi­sam­ment dis­sem­blables) et conformes aux cri­tères d’ad­mis­sion (suf­fi­sam­ment sem­blables), comme un échan­tillon repré­sen­ta­tif d’ENSEMBLE, ça bise, c’est sûr. Nous sommes des têtes de gon­doles bios. Un rayon bio darde le monde et voi­là ça y est nous sommes des indi­vi­dus les têtes encore gon­do­lées par le der­nier déluge mais nous sommes comme les miels et les aulx, les cieux et les eaux, nous sommes plus sin­gu­liers quand nous sommes au plu­riel.

À part qu’en fait immé­dia­te­ment il est tout à fait clair qu’il est tout à fait funeste que ce qui de notre matière est por­té au registre de TOUT soit notre indi­vi­dua­li­té (échan­tillon­naire-exem­plaire) ; d’ac­cord ça bise, mais on aurait vou­lu que ça baise. C’eût bai­sé si ce qui de notre matière était por­té au registre de TOUT eût été notre sin­gu­la­ri­té (sou­ve­raine-émé­rite). Et donc l’in­ven­taire bise un peu, fait la bise mini­male, la bise régle­men­taire comme un ami d’a­mi, alors qu’on avait déjà fébriles et ardents com­men­cé à débou­ton­ner, dégra­fer, déca­lot­ter (et tous les apprêts de baise plus per­son­nels, parade incluse). Autrement dit l’in­ven­taire dit avec la froi­deur d’un gui­che­tier de Finanzamt ok c’est bon vous exis­tez alors qu’on aurait vou­lu que les agents de l’in­ven­taire en balade dans le monde bumpent into nous, se figent comme effa­rés et ne nous quit­tant pas des yeux s’in­ter­pellent bégayants, frap­pés par l’ef­fa­rade, wow attends voir un ins­tant mais qu’est-ce que… je jure­rais que rien de tel ne s’é­tait jusque-là offert à notre péram­bu­la­tion.

Wow.

Pascal encore lui, dans le mono­logue du liber­tin angois­sé, écrit qu’il arrive de se sen­tir « abî­mé dans l’im­men­si­té des espaces qu[‘on] ignore et qui [nous] ignorent ». Accommoder Pascal est pris comme patron des atti­tudes van­dales, sagouines ; accom­mo­der Pascal est LA grande atti­tude van­dale et sagouine : l’im­men­si­té de ces espaces n’i­gnore pas notre indi­vi­dua­li­té (nous figu­rons sur l’in­ven­taire), elle ignore notre sin­gu­la­ri­té (nous ne figu­rons que sur l’in­ven­taire). L’inventaire offre les garan­ties d’être comp­té-par­mi ; il condamne à être comp­té-par­mi, inclus, ein­ge­rech­net. Ignorer l’in­ven­taire, c’est-à-dire négli­ger ses caté­go­ries, offre des temps où la sali­va­tion et la mise en rage n’ont pas immé­dia­te­ment à voir avec la diges­tion et la savou­ra­tion.

La pro­fu­sion huile aille sale tache et que je sache seule­ment selon un grand plouf-plouf de contin­gences étranges : l’in­ter­pré­ta­tion ou le refus d’in­ter­pré­ta­tion de cette tache est fonc­tion d’une dis­po­ni­bi­li­té en temps d’at­ten­tion à la colo­ra­tion. Que ça lie (salage, hui­lage) ou que ça noie (déluge) est fonc­tion de l’ac­com­mo­da­tion des confi­gu­ra­tions de la matière dar­dées en taches à côté du ragoût d’af­fects ou du nouiller à sen­sa­tions. Atteindre l’or­gasme com­mun, rendre par­ta­geable une inten­si­té, être à la fois sagouin et colo­ra­teur, sou­ve­rain mais conscient de n’être qu’une coupe à tra­vers tout, durch­sch­nit­tlich, sou­ve­rain mais pas émé­rite, s’é­brouant dans la pro­fu­sion, pas en retraite dans les dorures de l’être siro­tant l’es­sence, pépère. Pas pépère. Pas pépère. On se prend la tête ici. Hier wird sich den Kopf zer­bro­chen (au moins une troi­sième fois).

tachetache

« Objects I see in this water (EDIT : cum) stain : Do you still see things like you did in clouds when you were youn­ger ?« 6

  1. Le ciel indi­vis serait donc varié­gé ?
  2. Suite : « Je vois ces effroyables espaces de l’univers qui m’enferment, et je me trouve atta­ché à un coin de cette vaste éten­due, sans que je sache pour­quoi je suis plu­tôt pla­cé en ce lieu qu’en un autre, ni pour­quoi ce peu de temps qui m’est don­né à vivre m’est assi­gné à ce point plu­tôt qu’à un autre de toute l’éternité qui m’a pré­cé­dé et de toute celle qui me suit. Je ne vois que des infi­ni­tés de toutes parts, qui m’enferment comme un atome et comme une ombre qui ne dure qu’un ins­tant sans retour. Tout ce que je connais est que je dois bien­tôt mou­rir ; mais ce que j’ignore le plus est cette mort même que je ne sau­rais évi­ter. » (Pascal, Preuves par dis­cours II – Fragment n° 1 / 3)
  3. Halwai sheyaa­mod (Bereschit Rabba 9:4). La col­li­sion de cette his­toire et de la vidéo d’un shoe­bill m’a­vait beau­coup trou­blé.
  4. Expression de Nietzsche dans l’in­tro à l’Antéchrist.
  5. Le ciel indi­vis serait donc varié­gé ?
  6. « Objets que je vois dans cette tache d’eau (EDIT : de sperme) : Est-ce que vous voyez tou­jours des choses comme vous en voyiez dans les nuages quand vous étiez plus jeunes ? »
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